vendredi 13 avril 2012

L'Association sauvage au fil des jours

Un bain de nature, c’est ce qui décrit le mieux l’Association sauvage.D’ailleurs, on a eu la chance de voir un chamois dans le pré, près de la maison, le deuxième soir après notre arrivée. À ce temps-ci de l’année, c’est possible de les observer, car ils descendent plus bas. Le reste de l’année, ils demeurent en altitude.

Aujourd’hui, 8 avril, c’est Pâques sous la neige. On est en fin de journée et le soleil se pointe enfin, mais ça a principalement été une journée sans vue. Avant de vous raconter ce qu’on a fait aujourd’hui, je vais d’abord vous présenter les lieux et vous parler un peu de notre première semaine à l’Association sauvage. Ne sautons pas d’étapes !

On habite dans un genre de chalet au milieu d’une petite prairie dans une forêt, juste au-dessus du village Le Trétien, qui est à une quinzaine de minutes de marche (mettons 10 quand on descend et plus 15 quand on monte !). Il n’y a pas de route pour y accéder, juste un sentier. Gigi et Christian gardent leur voiture dans un stationnement au village. Comme la plupart des villageois d’ailleurs, puisque la route sillonne le village entre les maisons sans vraiment laisser de place pour des stationnements privés. Le village ressemble à un labyrinthe, avec la seule route en S et les nombreux chemins piétonniers qui se faufilent entre les maisons. Celles-ci ont l’air d’avoir été placées un peu partout au gré des décennies selon l’humeur du moment. Le résultat est un désordre charmant. Un petit village de 88 habitants « en vous comptant », comme Gigi nous l’a si bien dit, qui a un passé mouvementé des plus surprenants… mais ce sera une autre fois peut-être pour les histoires.

Il y aussi des bornes-fontaines plutôt comiques au Trétien. Apparemment, ce sont les enfants qui les ont peintes :


Pour se rendre à la voiture et transporter le matériel, pas question d’avoir un 4 roues. Ce n’est pas du tout la mentalité ici. On utilise un tracaillon (le nom change selon la vallée, ailleurs on dit tracassin), c’est-à-dire un genre de chariot sur chenilles poussé par un moteur de tondeuse. Tout le monde en a un on dirait. Sur cette photo, Christian croise un compatriote près de la « track », juste en haut du village :

Le chalet est divisé en deux parties :

Remarquez le panneau solaire complètement à gauche. C’est à lui qu’on doit toute notre électricité (ou presque, il y a aussi une génératrice). En passant, la neige est tombée ce matin, il n’y en avait pas avant. C’est juste un petit refroidissement.

En haut à gauche, là où le balcon a un garde, c’est notre chambre, enfin la chambre des woofers ou autres invités. Au premier étage, il y a un hangar à outils et le garde-manger. En haut à droite, c’est la chambre de Christian et Gigi. Une toilette à compost sépare les deux chambres et est accessible de chaque côté (oui oui, on fait du compost avec les déchets humains !). Juste en-dessous de leur chambre, c’est la cuisine, que voici :

On voit ici la bâtisse de côté. C’est la porte de notre chambre. En premier plan, notre source d’eau potable : la fontaine.

Voici notre chambre :

En bas à droite, c’est le lit d’Alexei, un woofer Néo-Zélandais qui vit plus ou moins en Suisse depuis quelques mois. En fait, il a la double nationalité vu que sa mère est Suisse allemande, mais il n’avait jamais quitté la Nouvelle-Zélande avant de poser le pied en Europe en septembre. Il est arrivé à l’Association sauvage comme nous le 1er avril et il est là pour au moins un mois. Nous on dort en haut, sur la petite mezzanine. La porte que l’on voit on fond, c’est celle qui mène à la fameuse toilette.

Les horaires de travail ici sont très souples. La suggestion est du lundi au vendredi de 8h à 12h, mais on peut répartir nos 20 heures plus ou moins à notre guise. Les tâches sont plutôt diversifiées. Lundi matin, on a nettoyé un peu sur le terrain et dans le jardin. Lundi après-midi, on a tous les 3 accompagné Christian au centre de tri (j’aime ça aller là bon !) à Salvan, le plus gros village du coin (petite ville ?), question de se promener un peu. Mardi matin, on a travaillé un peu en-dedans à cause de la pluie, et en après-midi, on est allés, Antoine et moi, visiter le petit zoo alpin des Marécottes, le village d’à côté.


Mercredi, on a travaillé toute la journée. On a fait un peu de bois, question de ne pas perdre la main ! Jeudi, on était en congé et Gigi et Christian nous ont amené avec eux à Martigny où ils allaient faire l’épicerie. En chemin, on s’est arrêtés sur le plus haut pont d’Europe, qui surplombe un canyon magnifique :


Parce qu’en passant, au cas où je ne vous l’aurais pas dit, les petites routes en Suisse sont souvent impressionnantes. Des fois, on se demande vraiment si les voies sont réellement doubles, car elles ressemblent plus à des sens uniques. Sur cette photo, c’est juste avant d’arriver à Salvan :

À Martigny, on a visité le musée du Grand St-Bernard. Dans le col du même nom, qui permet de se rendre en Italie, des moines ont accueilli les voyageurs pendant des siècles. Le col doit d’ailleurs son nom à l’un de ces moines. Ils avaient de grands chiens, qui parfois permettaient de retrouver des personnes égarées dans la neige. La race célèbre est née comme ça. Mais bon, l’histoire c’est bien beau, mais ce qu’on veut vraiment, c’est flatter les toutous en question :

Il y a beaucoup de ruines romaines à Martigny. On a pique-niqué dans l’amphithéâtre :

Et on est sans doute passés trop proche d’un parc pour enfants :
À l’extérieur de la ville, il y a le château de la Bâtiaz. On peut remarquer que les feuilles commencent à pousser un peu.

Vendredi, on a commencé à nettoyer les branches d’un immense sapin qui est tombé un peu plus haut dans la montagne. L’hiver a été dur, il y a eu pas mal de dégâts. Pas dur parce qu’il a fait trop froid ou tombé trop de neige, dur parce que la neige a gelé suite à un refroidissement rapide. Le poids a fait tomber les arbres. Les hivers sont plus, disons, irréguliers, qu’ils l’étaient. Ce n’est pas juste chez nous. Les changements climatiques se font sentir partout. (Ça me rassure un peu d’ailleurs que Christian m’ait dit ça, car j’avais rencontré un Suisse de mon âge qui ne croyait pas aux changements climatiques. Remarquez bien qu’il y en a au Québec aussi, je suppose qu’il faut respecter les opinions des autres, preuves scientifiques ou non…)

Quoiqu’il en soit, pour revenir à notre histoire, c’est vraiment une partie de la forêt qui est magnifique. L’arbre gigantesque et les autres autour sont tombés sur de grosses roches, donc les tronc sont à quelques mètres du sol. Avec les racines renversées qui forment déjà une petite butte, ça donne une belle piste d’hébertisme entièrement naturelle.

Samedi, repos complet. On n’a même pas mis le nez dehors. Antoine a eu son cours de sculpture. Quant à dimanche, pour en revenir à ce jour de Pâques sous la neige, on est retournés au zoo avec Alexei. C’était porte ouverte en avant-midi, avec une course aux œufs pour les enfants. Ensuite, on est allés à la station de ski La Creusaz, toujours aux Marécottes. Il fallait en profiter, car c’était la dernière fin de semaine d’ouverture. Malheureusement, vue la température, on n’a rien vu du paysage. On a quand même pris les télécabines. Elles sont toutes mignonnes, on entre 4 en se serrant. En bons Suisses, on avait apporté une luge, mais il n’y avait plus assez de neige, la piste prévue pour ça était fermée. On a mangé notre lunch en haut, dans une petite salle sous le restaurant, et on a cherché, sans succès, le sentier qui revient vers l’Association sauvage par la forêt. De toute façon, on nous avait dit qu’il y avait encore trop de neige pour le prendre. On est donc redescendus à pied, en partie par la piste de luge et en partie par les sentiers où il est d’ailleurs interdit de faire de la luge :

C’était vraiment un retour à l’hiver cette journée :

Le lendemain, lundi, la neige a fondu. Il a fait passablement beau. J’ai eu ma première expérience de traite de brebis. Il y a un berger au village qui, l’été, vient mettre ses bêtes en alpage ici. Ils devraient les monter avant qu’on ne parte. En attendant, il a accepté de m’apprendre à traire ses 3 brebis à lait (les autres, c’est pour la viande, elles ne sont pas traites). J’ai réussi à tirer le lait, mais il me manque encore de la technique. Au souper, on a goûté au fameux lait. Tout seul, ça a un petit goût différent, genre un arrière-goût de foin, mais en mangeant, aucune différence, ça goûte le lait de vache. Il y a deux Québécois qui s’en sont donnés à cœur joie ! J’y retourne d’ailleurs tout-à-l’heure, pour ma deuxième leçon.

Aujourd’hui, mardi le 10 avril, la météo nous réserve des surprises. Encore les changements climatiques peut-être ? Après un début de journée assez chaud et ensoleillé, la pluie actuelle est supposée se transformer en neige, quelque part ce soir ou cette nuit. Il devrait neiger toute la journée demain. On verra bien. On a profité de ce calme avant la tempête pour essayer la douche solaire (les autres fois, on se lavait à la débarbouillette avec des bacs d’eau). J’ai enfin pu laver mes cheveux ! Les vaches à eau, des poches en plastique dont le fond est noir et l’autre côté transparent, s’étaient suffisamment réchauffées au soleil. On en voit une juste au-dessus de la tête d’Antoine.
Voilà pour l’instant. J’aurai sûrement d’autres anecdotes à raconter d’ici à ce que je puisse publier ce long blog sur internet. En attendant, c’est l’heure d’aller traire les moutons et ramener du bon lait !

------------------------------------------------

Wow ! On dirait bien que l'internet du Migros de Martigny (ou de la Migros comme on est supposés dire) fonctionne bien en ce vendredi 13 (houuu !) avril. Je vais continuer à raconter nos aventures « sauvages » au fil des jours, et je vous les publierai dès que possible. À bientôt !

Hors série

Samedi 7 avril, veille de Pâques. Déjà presque une semaine qu’on est arrivés à l’Association sauvage. C’est le matin. L’ordi sur les genoux, près du feu, j’ai envie d’écrire. J’ai envie d’écrire, mais je ne sais pas quoi. Mes états d’âme peut-être. Je dois préparer le blog, mais je ne sais pas quoi dire. Ça fait déjà quelques fois que j’y pense, j’ai vaguement commencé à taper quelques mots, mais je n’y arrive pas. C’est la première fois que ça arrive. D’habitude, j’ai déjà en tête les commentaires que je veux faire, l’ordre des photos à présenter. Je prends plaisir à cette tâche. Faire le point sur le voyage. Vérifier quelques informations sur les lieux visités. Me rappeler les noms des gens et des villes. Raconter les anecdotes. Avant même de la mettre en forme, la publication est déjà dans ma tête. J’ai pris l’habitude à la Cave des cimes de d’abord tout taper sur un document word, en incluant les images et les commentaires, puis de copier-coller sur la page du blog lorsque je me connecte sur internet. Vu qu’on n’avait pas le sans-fil, ça évitait de monopoliser la connexion trop longtemps. Ici, c’est une toute autre mesure. Je ne sais pas quand j’aurai la chance de publier le blog. L’internet est une denrée rare. Loin devant mes cheveux sales, qu’une journée très ensoleillée ou un élan de courage me permettraient de laver, bien loin devant le manque d’intimité de la chambre partagée et à des années-lumière de l’isolement relatif du lieu, somme toute plus charmant qu’incommodant, c’est sans nul doute ce qui est le plus dur de la vie « sauvage ». Cyberdépendance, planification de voyage, contact avec l’extérieur, paresse, habitude ? Internet est le sang qui coule dans les veines de toute une nouvelle génération de voyageur. Différence de langue ou de culture, même quête constante d’une bonne connexion. La possibilité d’être partout à la fois, de partir à l’aventure tout en restant à la maison, de rester en contact les uns avec les autres, aux quatre coins de la planète. Sans internet, les pieds s’ancrent comme jamais dans un lieu physique.

C’est samedi saint, le 7 avril. Je suis assise dans la cuisine de l’Association sauvage. J’écris. Antoine, lui, il sculpte. Ici, c’est un endroit pour être en contact avec la nature, se reposer, passer du bon temps, mais aussi pour apprendre. C’est la vocation que Gigi voulait donner à son Association sauvage. Artiste, amante de la nature, à l’écoute des animaux, herboriste, à moitié américaine et avec bien du vécu, son but est de passer ses connaissances de manière simple, à qui veut les recevoir. Rendre la science accessible. Des cours d’anglais aux plantes médicinales en passant par l’installation des murs en pierres sèches, le choix de cours est grand. Elle m’a demandé à quelques reprises s’il y avait quelque chose en particulier que je voulais apprendre, ou plus difficile encore, ce qui m’intéressait. Et je ne le sais pas. J’ai l’impression de ne pas avoir de passion, ni d’intérêt à apprendre quoi que ce soit. Je ne veux pas qu’elle le prenne mal. Pourtant, je me sens curieuse de plein de choses. J’aime toujours autant les discussions à saveur linguistique et culturelle. Entre les expériences suisses et américaines de Gigi et de Christian et la Nouvelle-Zélande de l’autre woofer, on a encore droit à une belle diversité. J’apprécie aussi beaucoup les conversations qu’on a eues sur les animaux, les parasites, les plantes, l’évolution, les insectes et même la religion. C’est le fun de confronter les points de vue plus scolaires avec ceux plus terrains. J’aime prendre part à toutes ces discussions. J’apprends de nouvelles choses, oui, mais je crois qu’il n’y a pas un sujet qui m’attire au point de demander une session de deux heures. En attendant, Antoine avance bien dans sa leçon. Le marteau se fait aller sur le plancher à côté de moi. J’admire la diversité de ses intérêts. J’admire aussi sa réceptivité aux commentaires et aux conseils. Une attitude sur laquelle j’aurais intérêt à travailler.

Samedi matin, 7 avril. La tortue émerge de son bout de bois. Mes idées s’éclaircissent. Vive la chaise berçante près du feu. Durant la pause de 10h (ici on mange 5 repas par jour, incluant le snack de 10h et le 4h, va falloir en faire de la marche en montagne pour compenser !), on a eu une autre conversation très intéressante, cette fois sur l’origine et l’évolution des chiens. De toute la documentation sur le sujet que Gigi m’a sortie de la bibliothèque bien fournie, j’ai choisi deux livres que j’ai envie de lire. Ce qui est une bonne chose, parce que le désir de lecture me fait passablement défaut depuis plusieurs mois.

Quant à la « vraie » publication sur le blog, c’est un travail en progression, que j’écrirai par petit bout et que je tenterai de mettre en ligne éventuellement. À date, ce qui fonctionne le mieux, c’est le réseau sans-fil non sécurisé qu’on « squatte » au village (à moins de se rendre à Martigny). Antoine avait acheté une carte Sim dans l’espoir d’utiliser internet une journée de temps en temps, mais on a essayé hier et c’est pratiquement impossible, car on ne capte pas le 3G, juste un internet extrêmement lent.

Samedi matin, veille de Pâques, jour de congé, j’ai de la lecture qui m’attend.